Aujourd’hui je vous propose un cogitage sur une application nommée Meditatio, clonée d’une application américaine déjà existante : Hallow. Il ne fallait donc pas faire HEC pour ça, mais en France cela fait belle lurette qu’on copie sur son voisin pour faire du Business et agiter des lauriers. De Claude François à Intervilles en passant par Kohlanta, oui ma pauvre Lucette, les franchises ou les programmes dupliqués lucratifs vont bon train…
Mais me direz-vous, quand c’est pour la bonne cause, quel est le problème ? On a bien The Chosen pour nous montrer que modernité et organisation commerciale (mais libre d’accès et participative) ne rime pas forcément avec machiavélique, bien au contraire ? Alors qu’en est-il de Meditatio alias Hallow (alias Calm), une application qui ne dit pas son nom ?
J’ai envie de commencer le cogitage par le nom originel : Hallow… Cela ne vous rappelle rien ? Un 31 octobre, la veille de la Toussaint… Le mot hallow peut signifier « sacré » (sans rapport avec une soirée, Jean-Pierre), ce qui peut-être bénéfique ou maléfique selon le culte. « Hallow » peut être aussi le cri que l’on émet pour que les chiens lancent l’assaut lors d’une chasse… A ce stade on pressent un côté ésotérique et morbide. Heureusement, le mot Hallow signifie aussi : sanctifier, ouf ! Bon, je ne retiens pas la proposition consistant à dire que Hallow est aussi le premier mot que l’on dit quand on « décroche » le téléphone, quoique dans ce cogitage ça serait très pertinent :D
Pourquoi donc Meditatio ne reprend pas le mot de l’application source ? Est-ce pour cacher sa provenance réelle et engranger les bénéfices sans reverser de redevance ? Est-ce pour dissimuler sa vraie nature en se faisant passer pour un ange de lumière, comme un cheval de troie pour identifier et localiser les chrétiens ? Oops, ça fait froid dans le dos… Surtout quand on sait que des grandes firmes se font hacker, et que la sécurité est déjà négligée sur le site officiel de l’application (dont la version de WordPress et de PHP contiennent des vulnérabilités), ça ne laisse pas en paix de s’abonner. Mais n’allons pas jeter la pierre, attendons de cogiter un peu plus… L’application a comme titre ‘méditation guidée’, donc il faut suivre le rythme proposé, coupé de longs silences, parfois pénibles quand notre rythme n’est pas le sien (il faudrait une option de réglage du délai des silences ou un bouton « suivant » pour les zapper). Ça oblige donc à une démarche d’abandon de notre propre volonté, ce qui est bon quand c’est envers Dieu (sous conditions)… mais ce qui est très problématique quand c’est envers un logiciel et une société !
Après le nom, abordons le design : quelle est cette icône qui illustre l’application Meditatio ? Hallow a une icône de tête auréolée (c’est ce qu’on utilise avec malice pour dire « je suis innocent, ce n’est pas moi » – encore une dissimulation ?). Meditatio a choisi quelque chose qui semble-t-il est très neutre. Cela fait penser à la nature (fond vert et bleu) très à la mode (environnement, écologie) avec au centre une forme blanche qui pourrait faire penser à la Freebox Delta, ou bien une tête d’android (robot humanoïde) avec intelligence artificielle, ou un champignon (hallucinogène ?)… mais plus probablement à un personnage bouddhiste en prière, oops… Pour une application catholique ça dénote… En effet, en tailleur, les mains sur les genoux, cela forme un triangle, ici arrondi. Étrange pour un fondateur ne voulant pas verser dans le Yoga ou la Pleine conscience. Pour rappel, pour celles et ceux qui n’auraient pas compris, le Yoga est l’exercice intrinsèque à la philosophie d’une idole répandue dans les jardins zen. Quelle que soit l’excuse d’un catholique n’y voyant pas de mal : s’il fait du Yoga, il pratique deux religions (comme Salomon jadis à la fin de sa vie, ce qui lui valut la colère de Dieu).
Allez, ne voyons pas le mal partout, imaginons qu’il s’agisse de sophrologie, le nouveau mot à la mode pour dire yoga, oops heu pour dire relaxation républicaine, enfin pardon : « laïque » comme ils disent (souvent sous-entendu : athée). C’est ainsi que l’on retrouve cette empreinte de gestion du stress et du calme dans Meditatio. Ce n’est pas étonnant puisque Hollow se voulait précisément une alternative (chut il ne faut pas dire clone) à une autre application intitulée « Calm ». Si vous observez les 3 interfaces (Calm / Hollow / Meditatio) vous verrez que c’est du copier / coller (Oops, espérons que la DG ne soit pas tombée amoureuse du PDG pour sa créativité). C’est ainsi que comme par habitude, les catholiques se basent sur des choses existantes dites « païennes » pour les faire évoluer (parfois sans succès, comme la fête Holywins). Mais cela laisse irrémédiablement des traces, une empreinte, un lien avec les origines… Mais ne nous arrêtons pas à cela n’est-ce pas ? Et puis si ça fonctionne et que « ça porte du fruit », c’est le principal, « c’est un mal pour un bien », non ?
A présent venons en au fait : que retient-on de cette application, voyons son mode opératoire (oops). Cela commence systématiquement sur la posture du corps et la respiration. C’est donc sciemment un mélange de relaxation et méditation. Personnellement je trouve ça inutile et du coup pénible, car ce n’est pas ma conception de la prière naturelle et méditation de la Bible. Il faut attendre donc 5 bonnes minutes audio pour en arriver au sujet à méditer. Aïe, impatient(e)s s’abstenir ! Au passage on n’y invite pas systématiquement l’Esprit Saint, mais on nous invite toujours nous-mêmes : à faire le vide, à faire de la place pour Dieu. Ensuite vient enfin le sujet, et la voix de la jeune femme (Jeanne) belle et reposante, parvient à vous endormir assez rapidement. Heu pardon, à .. nous faire méditer ! Alors disons que par chance (contrairement à Hollow) sa voix est agréable (et que par chance ce n’est pas son mari Thomas qui parle – non c’est pour rire, lol) mais le ton n’est jamais hésitant. C’est même trop parfait pour être improvisé. Donc les paroles sont réfléchies à l’avance, et les enregistrements menés de manière professionnelle. C’est un métier. Dieu merci elle bosse dans un secteur sain. Ce n’est pas comme une des voix d’une certaine boite à histoire verte, d’une femme qui raconte des histoires aux enfants le jour, et d’autres histoires aux adultes la nuit… Oui vous savez, cette boite qui pour le coup verse totalement dans le bouddhisme, l’ésotérisme, les dragons, monstres, sorcières et compagnie, bref toute la panoplie (comme Disney) pour attirer nos enfants vers le Doute identitaire, le Mensonge relativisé, les forces du Mal sympathiques, et la Mort ou ses amis. Ah mince, vous l’avez justement achetée pour vos enfants ? Bon, alors pas le choix, écoutez les histoires pour savoir lesquelles supprimer…
Pour en revenir à Meditatio (je ne sais pas pourquoi – je vais devoir encore digresser – mais l’usage du latin à notre époque me fait toujours penser à des rituels obscurantistes ou occultes, je ne sais pas pour vous ?), le fond des paroles que Jeanne prononce semble pertinent et basé sur la bible, mais seulement des extraits percutants et courts (comme le ferait un pasteur protestant en extrayant ce qui interpelle, pour capter son auditoire et enchaîner sur une bonne quête bien fournie), je n’ai pas l’impression que c’est basé sur la parole du jour, y compris pour la méditation du jour ?
Sur la méthode le résultat donne quand même le sentiment qu’on est à la limite du yoga et de l’hypnose (j’ai dit à la limite), mais peut-être est-ce lié à une sensibilité différente que j’ai, sur la forme. Je ne suis pas moine contemplatif dans une chapelle plusieurs heures par jour, je suis un laïc au sein du Monde.
Sur l’accès, on devine le tiraillement de l’auteur entre esprit capitaliste et missionnaire quand on lit les commentaires des utilisateurs : l’application est payante et c’est un point noir. C’est révélateur, contrairement à The Chosen par exemple, que l’abandon à Dieu suggéré dans l’application n’est pas mis en pratique à la source. En effet, s’il y a une méconnaissance des usages 2.0 (en général on propose une version Light gratuite + une version Premium payante), il y a surtout un manque de confiance en la providence ! Une telle application devrait être un donatiel, c’est à dire être libre d’accès avec invitation à faire un don. Cette application devrait même être Libre (comme le logiciel Firefox par exemple) pour permettre la participation, la remise en question, l’évolution. Là l’auteur serait dépendant de l’Esprit Saint, ce qui changerait tout : cela deviendrait non pas une oeuvre pour Dieu mais de Dieu (du moins potentiellement).
Ces divers points me font penser à quelque chose de protestant (argent qui est obligatoire pour utiliser l’application, investisseurs financiers pour lancer le projet, communication dans les médias, métier pro de la « guide » plutôt que vocation, la méditation basée sur un contenu optimisé plutôt que sur le lectures de l’Eglise), et donc : avec un risque d’éloignement du catéchisme et de la théologie catholiques. Car n’en déplaise aux Bambi catholiques, et bien que je ne sois absolument pas intégriste : catholique et protestantisme ce n’est pas la même chose (consultez un théologien si vous avez un problème avec ça). Tout comme le dieu des musulmans n’est pas « le même » que le Dieu des chrétiens, navré de décevoir celles et ceux qui rêvent d’une nouvelle liturgie de la Messe où l’on supprimerait la présence réelle au nom de la Fraternité, et où tous les croyants du Monde vouerait un culte au dieu « Nature & Découvertes ».
Mais qu’en est-il du recueillement dans Méditatio ? Malheureusement c’est un fait : le temps de prière est artificiel : on ne prie pas en direct à distance avec quelqu’un mais avec une voix, presque synthétique, qui pourrait être un robot – tiens, la forme blanche de l’icône, vous vous rappelez ? Avec des bouts de phrases échantillonnés sur un logiciel de mixage, pour éviter à Jeanne de réenregistrer toujours la même chose, notamment en début et fin de piste. Et concrètement c’est aseptisé, propre comme le plâtre moulé d’une statue de la Sainte Vierge. Si au départ la voix fait illusion, en nous donnant l’impression d’être accompagné, à l’usage on s’isole, et on se sent seul avec des enregistrements, comme dans un labo high tech vide (que des bruitages facultatifs peuvent masquer). Alors difficile de se sentir connecté à Dieu (moyennant abonnement hebdomadaire via un portail automatisé). Je pense que les cosmonautes pourraient utiliser Meditatio quand ils partiront explorer les confins de l’univers hors de portée des antennes relais.
Cela dit les messages sont positifs, c’est pour ça que c’est perturbant, car ça utilise les nouvelles technologies et le professionnalisme (qui rime souvent avec société de consommation ou perversion), ce qui n’est pas habituel dans les paroisses (qui utilisent toujours des blogs ou comptes FB désuets). Il n’y que sur KTO (la chaîne TV catho) et dans les grands rassemblement des Scouts de France, des JMJ, du FRAT (ou ceux de la scientologie ?) que des moyens modernes de tournage et de marketing sont investis par les instances officielles. Mais la différence fondamentale c’est que ces évènements et leur communication sont basés sur : de vraies rencontres, un authentique moment de partage, une relation réelle humaine. Ce n’est absolument pas le cas avec Meditatio …ce qui génère un malaise.
Ceci me fait penser encore une fois à l’individualisme du yoga / bouddhisme : on est tourné vers nous même, et l’autre est un obstacle à notre concentration et sérénité (comme quand on utilise un smartphone…). En fin de compte, à force d’être assisté et parce que sans l’application et le plaisir à se faire dorloter par Jeanne, on se retrouverait à nouveau à ne pas savoir prier ou ne pas avoir le temps de le faire, on finit par être cyberdépendant et cultiver l’addiction au smartphone. On se dit « Ah mais si la méditation du jour était importante ? » et on reste encore un peu abonné au cas où… A tel point qu’on oublie que Dieu n’est pas une entité numérique faisant partie intégrante d’un système logiciel mais bien une personne accessible naturellement sans électricité ni appli. Il ne serait pas étonnant que par facilité ou manque d’assurance et de confiance en eux des parents se rassemblent avec leurs enfants et laissent fonctionner l’application au lieu de conduire par eux mêmes l’oraison, même imparfaitement. Renvoyant un énième message subliminal aux enfants : les parents ça ne sert à rien, il y a internet.
Pourtant le fond des messages semble inviter à quelque chose de positif et inspiré. Du moins à ce jour, tant que l’auteur ne s’égare pas ensuite, car on a pas la certitude d’une supervision à 100% du contenu par une communauté catholique qui puisse interpeller ou valider spirituellement – et pas seulement théologiquement – et de manière collégiale – et pas juste par un religieux. Et dans le milieu catho l’habit fait souvent le moine, et le manque de contrôle a permis bien des dérives. Donc à vérifier régulièrement au fil du temps par des utilisateurs avertis…
Le souci de cautionner un tel système c’est que ce n’est pas une application native au contenu arrêté. En effet, le jour où on le teste n’est qu’un jour. Et le lendemain le contenu peut être autre, avec une déviance possible – sans doute progressivement, volontaire ou inconsciente de la part de l’auteur. Donc Aleteia / l’1visible / Famille Chrétienne ou RCF qui font un article, ça donne carte blanche sans discernement futur. Or, avec des contenus qui évoluent quotidiennement, ce n’est pas possible de certifier de manière pérenne le fond à moins qu’il y ait soumission systématique à une équipe chrétienne indépendante, chaque jour, pour chaque phrase diffusée. On peut se demander aussi comment va la santé spirituelle et mentale du couple aux commandes, est-ce qu’il n’y a pas un risque si un jour, comme Salomon, ils laissent s’introduire dans leur esprit des erreurs ?
Il semble donc indispensable, au vu des milliers d’utilisateurs, que les auteurs se soumettent à une équipe de discernement spirituel solide… Or visiblement comme « accompagnateur » (ce qui ne signifie pas modérateur quotidien), il n’y a qu’un frère carme (est-il lui-même accompagné / encadré ?) et un prêtre enseignant à l’école cathédrale (un intellectuel donc – et pour devenir prêtre nul besoin d’avoir reçu un appel, il suffit de faire des études), et comme conseiller… un protestant (tout s’explique). Or de nos jours on sait très bien qu’un frère ou un prêtre ne sont pas une garantie. Les scandales réguliers dans les actualités nous montrent la fragilité du clergé. Et comme dirait l’autre, un grand pouvoir implique une grande responsabilité. Et j’ai envie de rajouter : qu’est-ce que ce protestant fiche là ? Pourquoi pas un musulman aussi ?
En conclusion, l’outil remet en question la modernité de l’Église, c’est une claque bienfaitrice. Quand un diocèse est à la limite de l’apostasie, de l’hérésie, du progressisme, est à l’abandon, ou encore vieillissant… on comprend que ce genre d’application permet d’avoir un parcours individuel parallèle pour entretenir sa Foi et sa prière, loin des paroisses éteintes ou en perdition, et loin des arnaques du type theotokos ou gensdeconfiance (qui font passer régulièrement des scélérats ou des malades pour des gens recommandables).
Cela étant, il y a un trop grand risque de manipulation et de détournement à l’ère du piratage informatique de masse, de la cupidité, ou en raison de la faiblesse humaine. C’est aussi d’une certaine manière une falsification d’une vie réelle en communauté, à la manière des réseaux sociaux qui donnent l’impression d’avoir des amis alors qu’il n’en est rien. Enfin, le recours à des technologies (les vitraux jadis..) ne doivent pas favoriser l’idéalisation mystique au détriment d’une relation naturelle et simple à Dieu, comme le permet la tradition orale du bouche à oreille (et non pas du smartphone à oreille) qui est à la base du christianisme.
Aussi, bien que ça puisse permettre sans doute de combler un vide, une solitude, ou de pallier artificiellement la participation à des groupes de prières pour des personnes englouties dans leur quotidien ou victimes d’un handicap ou d’une invalidité, cet outil semble être sensible du fait qu’il crée un groupe de personnes susceptibles d’être ciblé et qu’il est exposé à l’erreur humaine. Il doit donc être utilisé avec discernement. Et la prudence étant de mise, cela n’incite pas à se laisser porter par un logiciel et donc à entrer en toute confiance dans la méditation et le prière. Il y a toujours un doute. Et la vraie vie c’est dehors avec des vrais gens et une interaction ! Pour que Dieu soit au milieu de nous, il ne faut pas rassembler deux ou trois smartphones, mais bien des personnes physiquement au même endroit ! On pourrait donc penser que Dieu n’est pas au rendez-vous ni connecté à Meditatio, mais que cette application permet de se recueillir et s’adresser à lui. Sauf que Dieu répond souvent par les évènements et les autres personnes (à leur insu ou par charité). On ne peut donc pas attendre seul(e) derrière son téléphone pour entendre ses réponses.
Le vent souffle où il veut, mais il ne prend pas des vessies pour des lanternes, et il ne change pas le mal en bien, contrairement à ce que disent les protestants de topchretien.com ou amis de Mickey et compagnie (et dont s’inspirent nombre de prêtres catholiques hélas). Non Dieu ne change pas le Mal mais : Dieu tire du bien de tout. Ce qui n’est pas du tout la même chose. Donc oui, qui sait, cette application peut être parfois bénéfique pour certaines personnes, à la grâce de Dieu. Mais je pense qu’il vaut mieux demander la grâce …de s’en passer ! Ou bien demander à l’Église catholique de lancer enfin son application officielle, avec la possibilité d’organiser des interactions locales (comme le télétravail : la téléprière – on voit par exemple des chaînes Youtube en direct de certaines paroisses), débouchant toujours sur du présentiel.